Un nouveau matin, un nouveau petit-déjeuner. Tout du moins, c'est ce à quoi Cara commence à s'habituer. Mais ce matin-là, le frigo a décidé de faire la grève : il est vide. La jeune femme a ouvert la portière avec le sourire, avant de parcourir du regard la portière et chaque étage de la machine avant de la refermer d'un air dépité. Plus une bouteille de lait. Plus une goutte de jus de fruit. Pas un yaout – l'image du dernier, englouti la veille au soir devant la télé, fait gargouiller son ventre. Pas un bout de pain qui traine sur la petite table qui orne sa cuisine-salle à manger. Pas un fruit. Pas un céréale. Elle se sert un verre d'eau, faute de mieux, et s'attèle courageusement à sa préparation. Vingt minutes et une douche plus tard, elle enfile en vitesse un jean, une chemise à carreau et une veste avant d'attrapper son sac et de quitter son appartement. Ses pieds agiles dévalent les escaliers à toute vitesse et engloutissent les rues jusqu'au centre commercial. Dans les rayons, la nar korrienne reprend le sourire. Elle apprécie faire les courses. Tranquillement, elle remplit son caddie. Deux paquets de céréales aux fruits et au chocolat, un pot de Nutella, trois packs de jus d'orange, un pack de bière, six bouteilles de lait, un paquet de spaghetti, quelques tomates... Les courses s'entassent dans le caddie.
Au détour du rayon 'Produits laitiers', Cara aperçoit un visage familier. Il s'agit de Lexie Moriarty, récemment rebaptisée Jude – tout comme elle-même est passé de l'appellation Numéro Deux à Cara – à qui elle n'a jamais adressé la parole. Mais elle sait que Lexie sait, et elle sait également que personne ne croit Lexie. Elle sait donc que la vie de Lexie est assez compliquée, ce qui explique le changement d'identité. Dans cette ville, savoir la vérité n'apporte pas que du bon, visiblement, surtout quand on se met à le crier sur tous les toits. Depuis qu'elle avait pris connaissance du cas de la rouquine, Numéro Deux avait décidé de devenir son ange gardien, en quelque sorte. Elle avait vu le principe dans un film, dont elle ne se souvenait même plus le titre. Discrètement, elle prit donc Jude en filature parmi les boîtes de conserve et les arômes en sachet. La demoiselle se hissait actuellement sur la pointe de ses petits pieds, tentant vainement d'atteindre les haricots verts pré-cuits qui se trouvaient tout, tout en haut de l'étal. Cara fit le calcul rapidement. Si elle insistait davantage, Lexie allait s'appuyer sur son caddie, qui reculerait d'une dizaine de centimètres, l'entrainant avec lui. Sa main toujours tendue dans l'effort effleurerait cinq boîtes de conserves, tandis que le caddie rentrerait dans les rangées d'arômes. Bilan : une catastrophe d'une intensité proche de la prise de pouvoir sur Méridian par Nerissa. Ou presque, en tout cas pour l'esprit étrangement tordu de la guerrière de Kandrakar. Elle se précipita donc vers la boîte de haricot qu'elle attrappa sans problème – petit saut en extension, bras lestement dégainé vers l'objet de convoitise, atterrissage en douceur sur le plat des pieds – mais le processus effraya l'humaine, qui fit tomber quatre boîtes d'asperges. Cara lui offrit un grand sourire plein de dents en lui tendant les haricots avant de se baisser pour ramasser les asperges. Elle n'aimait pas les asperges.